lundi 30 mai 2011

MA VALLÉE (Acrylique sur bois, 22x15 cm, 2002)

MA  VALLÉE
Cycle pyrénéen

      Blottie contre l’épaule endolorie de la chaîne reverdie, comme une vieille ourse enhardie, ma vallée, chaude comme la forge du charron, sort de sa léthargie, elle qui se cache au bout d’une gorge que l’hiver engourdit à peine de ses bras de brume dans une frileuse apathie d’écume. 
   Sur son ventre avide, le long d’un chemin de roche, court un gave qui grave son cours sans discours. Soumis comme un sillon et sinueux comme une sente, il enlace de ses bouillons et tourbillons, tout au long de sa descente, parfois hésitante et souvent chantante, les pieds austères de ces géants de pierre qui sommeillent plus que leur dû sous un ciel béant d’azur. L’été, tout au long de sa course et à foison, offre des douceurs aux monts ronds et aux creux herbeux qu’Éole, un peu sapajou, soufflant et sifflant, ranime en gonflant ses bajoues. Au loin, ici et là, sur l’enclume du sol tout en vallons et volumes, se perdent les masures en lambeaux désolés des hameaux isolés et des villages perdus revenus, un à un, à la vie quand Phœbus s’est décidé à mettre son blason au diapason de la belle saison.
   Quand l’automne prompt sera venu ombrer les saillies et allumer les taillis, roussir la futaie et obscurcir l’été, les nues écorchées d’arcs-en-ciel cicatriciels, en faisant le dos rond, griseront ce pays de cocagne redevenu confidentiel. Un soleil d’étain dans un ciel déteint effeuillera, sans qu’elles le veuillent, les charmes des frondaisons de saison dont elle habille l’horizon échancré et dénudera ses secrets ocrés ou nacrés. Les monts, ayant plus d’altitude que de hauteur, se hausseront moins du col et, non sans dol, ma placide et verte vallée où le temps se dévide à vide dans des champs d’une neige dont le chant s’allège, s’endormira sans un sol jusqu’au vol émouvant des beaux jours suivants, désertée et livide…

samedi 28 mai 2011

APPAREILLAGE POUR L'ÉVASION (Dessin à l'encre & Acrylique sur bois, 16,5x10,5 cm, 2002)

APPAREILLAGE  POUR  L’ÉVASION

Îlot de solitude au cœur des habitudes,
Je me naufrage pour fuir mon âge et ses maux,
Robinson des sensations dans l’aube ébauchée,
Sombrant sur des rivages au rimage enroché.
Et puis, au fil des pages, en fier Nemo des mots,
Je pars à l’abordage d’autres latitudes.

Étrave au vent, j’écume des tropiques neufs ;
Sale caractère, je prends au mot, la mouche :
Je jette l’ancre pour un sonnet malsonnant
Et pis, bouillonnant, pour un seul son dissonant
M’embarque de conserve pour quelque escarmouche,
Croisant sans entrave sur des horizons veufs.

Même si je glisse vers de profonds abysses,
Flotte le pavillon du verbe aux mâts des mots,…
Et gonflant, au vent des muses qui se défilent,
Mes voiles vernissées de vers tissés, je file,
Cinglant au long cours, de vagues en lames, ou, des maux 
À l’âme, je cabote aux cahots qui s’esquissent.

Pour prendre aux épaves quelque rime arrimée,
Au phare de la métaphore, j’arraisonne :
La consonne qui sonne en bordées accordées,
La voyelle rebelle aux haubans encordée,
M’offrent un coffre : la phrase jase et résonne 
Au mètre près !… Puis, elle s’échoue, abîmée…

jeudi 26 mai 2011

APRÈS L'APÉRO (Pastel à l'huile, 24x31 cm, 2005)

APRÈS  L’APÉRO

Poireau et moustaches de guerillero,
Les yeux dans le vague, sur le Figaro,
Il sait qu’il est un héros,
Un héros de l’apéro.
Pas un de ces rougeaud pilier de bistro,
Ni un de ces zéros, de ces marauds,
De ces blaireaux de poivrots
Que ramassent les perdreaux.
Lui, c’est un taureau, il en a le garrot,
Un maestro un peu faraud, un bourreau,
Oui, un vrai, un gros, un pro'
De la biture, Pierrot :
Un numéro jamais vu le carreau !
Hors de son bureau au trot, il crie haro
Au bistro où ses frérots
Sont si fiérots de ses rots.
Pour Pierrot, l’air est lourd comme un tombereau
Et l’été brasero - c’est beau l’Hérault ! -
Il a su être un héros,
Le héros de l’apéro.
Il n’est pas, teint bigarreau et poil noiraud,
De ces gros levrauts, de ces bergerots 
Qui se saoulent allegro,
Que ramassent les perdreaux.

mardi 24 mai 2011

DE TA FENÊTRE (Acrylique sur toile, 32x27 cm, 2008)

DE  TA  FENÊTRE

      Sous le regard silencieux des cieux, je jette un coup d’œil distrait aux yeux sans attrait de la ville qui s’ouvrent sur un jour nouveau, plus beau. Au-delà du labeur de l’aube, me parvient, vague et grouillante, la rumeur ruminante et murmurante de la foule des fous de male humeur, attachés aux chaînes du temps qui coordonnent leurs cohortes. Pendus à la pendule, ils ne connaîtront pas plus que le fouet d’un feuillage, les charmes de la brune ou les larmes de la lune. Le repos de ce troupeau, qui vit de vide, l’enlace chaque jour à un destin déjà tracé, d’heures immobiles aux secondes statufiées en jours diligents aux promptes minutes. Après le répit d’un sommeil sans merveilles, le soleil au vermeil sans pareil et l’air aux soupirs assoupis retrouvent, non sans dépit, l’haleine chaude et lasse de la ville qui n’espère, hélas, ni l’éclaircie d’un sourire ni la parenthèse d’une politesse.
   Penché au-dessus de ce fond sans fin, de ce sol brillant comme un ciel, dont les flaques invincibles et les ornières indicibles sont d’ici invisibles, sous la chape de boue beige de l’éther grège, ma vie, je l’avoue, se vide à tout-va de toute vue. Il n’est pas encore l’heure d’ouvrir la boutique aux souvenirs qu’ont fait resurgir les cieux soucieux de ma demie-insomnie. Pourtant, au fil de milles et une nuits, au temps où, dans nos rendez-vous, nous nous disions “vous”, j’accrochais les fleurs du ciel d’azur de ton regard à mes yeux gris en songeant à la saveur du fruit défendu qui se devinait sous ta jupe fendue quand elle goûtait, en pas perdus, à la caresse du dos d’un doigt du vent viveur, noceur, hâbleur,… Ces rêves m’étaient de brèves trèves dans la guerre que livraient alors les oripeaux de mon sommeil au repos du soleil avec, pour horizon, les murs de la prison, les façades bigarrées des bicoques biscornues,…
   Notre nuit inouïe s’enfuit. Au loin, je contemple l’aurore qui auréole de rouge les hauts-lieux de la banlieue où le ciel, couleur de miel mais odeur de fiel, plonge les lignes de ses racines malignes. Derrière moi, le drap se froisse, me rappelant que nous avons joué la plaisante partition du plaisir partagé augurant un avenir peuplé de souvenirs. 

dimanche 22 mai 2011

DANS L'ESPOIR DU "GRAND SOIR" (Acrylique sur bois, 16,5x10,5 cm, 2002)

DANS  L’ESPOIR  DU  "GRAND  SOIR"
« Ceux qui vivent ce sont qui luttent » V. Hugo (1802-1885)

Au printemps, quand fleurissent les banderoles
Pour braver le vent mauvais,  les quolibets,
Le défilé crie sa rage d’un chant drôle
Qui ébaudit plus d’un badaud bouche bée.

La rue veut raisonner et prend la parole.
Elle persifle, elle qu’on voulait courbée,
Et refuse de se laisser embourber,
Au printemps, quand fleurissent les banderoles.

Car la farandole va tenir son rôle :
Siffler l’oraison du plus fort, regimber,
Croquer des fioles et casser des casseroles,
Faire tituber ceux qu’elle a adoubé,
Au printemps, quand fleurissent les banderoles…

vendredi 20 mai 2011

RÊVERIE AU CENTRE COMMERCIAL (Construction, 31x22x24 cm, 2008)


RÊVERIE  AU  CENTRE  COMMERCIAL

Pour nous, gens et bêtes de somme,
 Le rêve a un prix
Et on le chérit.
Mieux, ici-bas, on le consomme
On le marie
Aux crédit taris,
Aux plaisirs, au désir,… en sommes.

Pour nous, bêtes et gens de somme,
Point de rêverie,
Cette mal nourrie,
Qui, nulle part, ne nous somme
Et, jamais aigrie,
Sourit et guérit
Alors que le rêve assomme.

mercredi 18 mai 2011

L'OASIS NÉMÉSIS (Aquarelle & collages, 29x22 cm, 2008)


L’OASIS  NÉMÉSIS

Les qânats prédisent là un asile, enfin,
Pour tous ceux qui, comme moi, sont de cette race,
Qui aspire à laisser, ici-bas, une trace ;
Hier y vit toujours, demain y est sans fin…
Veneurs et vanneurs de vent, les caravaniers,
Dans la nuit noire et nue que les regrets empierrent,
Sillonnent l’océan de sable de l’oubli,
Où la lune trace ou efface des frontières.
Dans le simoun sec et cinglant, lents, routiniers,
Ils suivent des pistes floues qui résistent, fières…
Ils reposent, parfois, leurs pas, où s’est établi
Quelque souvenir dont l’ombre n’a pas faibli.
Dans ce refuge aux reflets d’eau et d’émeraudes,
Cette solitude qu’irrigue la noria
D’une mémoire toujours partie en maraude,
Ils posent les couffins que le désert tria.

Dans l’éther éternel imprégné de silence,
Face à l’hostilité des nues, miroirs muets,
Némésis, comme le vent du Temps, va et vient,
Sans destin ni dessein. Et ces souffles s’élancent,
Pour marquer ce havre toujours prêt à muer,
Quand le vieux chadouf à images vous balance
À l’esprit, assoiffé, tout ce qui lui revient,
Arrosant d’un filet ou de flots diluviens
Pensées et idées, au long des canaux de l’âme.
Source de sensations et puits de sentiments,
Cet abri, qui rassure en offrant cette manne,
Rafraîchit nos cœurs, loin de tout ressentiment.
Les qânats prédisaient là un asile, enfin,
Pour tous ceux qui, comme moi, sont de cette race
Qui aspire à laisser, ici-bas, une trace ;
Hier est un toujours, demain paraît sans fin.

lundi 16 mai 2011

C'EST PHYSIQUE ! (Pastel à l'huile, 21x15 cm, 2005)

C’EST  PHYSIQUE !

La Physique serait née, comme tout problème,
D’un pommier qui serait, de surcroît - oui ! - anglais.
Ses adeptes croient tout expliquer, tout régler
Et tout organiser, la Raison pour emblème.
Méprisant le hasard comme ils morguent Thélème,
Vouant à l’humble mortel un dédain complet,
Tant son ignorance mérite des soufflets,
Ses croyants équationnent et formulent sans flemme ;
Les Humanités, par eux, sont de haut toisées ;
Pour autant, il n’y a pas de quoi pavoiser :
« Tout » serait « relatif » pour Albert, leur prophète,
Et Lavoisier - « Rien ne se crée, rien ne se perd… »
A plagié Ronsard qui disait, lui, le poète :
« La matière demeure et la forme se perd* » !

* Élégie contre les bûcherons de la forêt de Gâtine, Pierre de Ronsard (1524-1585), 1584

samedi 14 mai 2011

MYSTÈRE NÔ (Poupée en boîte, 33,5x40,5x7 cm, 2011)


MYSTÈRE  NÔ

Tonnant tel un ténor,
Cape d’azur et d’ors,
Masque et bergamasque,
Il est fier samouraï,
Colère de vitrail
Et démarche fantasque.

Lancinant, s’est lancé
Le chœur pour tancer
Ce ronin qui méprise
Et pille le pays ;
Craint autant que haï.
Ses lames terrorisent !
Plus mortel qu’arsenic,
Plus rapide qu’aspic
Le soudard va, voyage
Par les  monts, les forêts,
Les champs et les guérets,
Entre danse et verbiage.

Tonnant tel un ténor,
Cape d’azur et d’ors,
Le shite san entonne
Sa mélopée. Sa voix
Fait naître, ici, l’effroi…
Et il en fait des tonnes !

Lancinant, s’est lancé
Le chœur pour tancer
Le daimyo bien trop lâche
Qui oublie ses devoirs
Et refuse de voir
Où fuit sa foi, se cache.

Tonnant tel un ténor,
Cape d’azur et d’ors,
Le shogun fait justice
Au Peuple par sa loi ,
Son droit de bon aloi,
Aux fêtes du Solstice.
Fin de ce drame ,
Katana, kimono :
Le traître, sans mystère,
Se tue par seppuku.
Puis on tranche son cou.
Sa tête roule à terre…

 Lancinant, s’est lancé
Le chœur pour tancer
Ces maîtres qui abusent
- Valeur évanouies
Et malheurs inouïs -
Du pouvoir dont ils usent.

jeudi 12 mai 2011

PERDU DE VUE… (Acrylique sur bois, 28x30,5x7,5 cm, 2011)


PERDU  DE  VUE…

Où se niche l’Humanisme ?
Ce mot s’est perdu…
Lui qui fut un lien, un isthme,
L’espoir d’un œcuménisme,
Aux limbes pendu,
Était le fils de l’hellénisme.

Où se cache l’Humanisme,
Cet anachronisme
Serait un malentendu,
Paumé dans le mécanisme
Qui sert d’organisme
À notre course éperdue,
Au monde d’antagonismes,
De déterminismes,
Dans lequel on est rendu.
On vit donc entre cynisme
Et illusionnisme.

Où se niche l’Humanisme
Au temps du hooliganisme,
De votre traque à l’indu
Ou de la quête des dus,
Teintées de puritanisme
Ou de nouveaux paganismes ?

Où se cache l’Humanisme,
Ce vieux crétinisme
Aux yeux des charlatanismes
Chaque jour plus étendus ?
Ils mènent, en -ismes,
L’esprit et l’âme au nanisme
Comme de bien entendu !
Entre hédonisme,
Chauvinisme, crétinisme,
Nous voilà tous éperdus ;
Entre déviationnisme
Et négationnisme…

Où se niche l’Humanisme,
Dans l’opportunisme
D’un temps suspendu,
Fendu et fondu,
Inscrivant le darwinisme
Dans notre urbanisme ?