mardi 28 février 2017

EN AVANT, LES INSTRUMENTS À VENT ! (Acrylique sur bois, 2002)

EN  AVANT,  LES  INSTRUMENTS  À  VENT !

Sous un soleil d’automne pâle,
Au kiosque vert de Bel Air
Toutes les aspirations
de l’harmonie municipale
Ne manquent pas, sur ma foi, d’air
Mais plutôt d’inspiration.

Des airs connus dont tout le monde
Avait oublié le nom sont
Joués, un peu à bout de souffle,
Pour la foule de ce beau monde,
Endimanchée qui, grand frisson,
N’était pas venue. Qué’ mistoufle !

Alors on a mis en avant,
C’est un vœu du chef tout gonflé,
Fissa-fissa, sur l’avant-scène
Les filles aux instruments à vent :
Les cuivres qu’on fait ronfler
Et les bois aux accents obscènes.

Lâchant sa grosse caisse, Émile
Se ventile les feuilles au son
De ces becs si bien embouchés,
Comme le chaland - mis dans l’mille ! -
Qui là s’arrête à l’unisson
Et sur les filles vient loucher.

Et le passant qui  ne passe plus
S’aère l’esprit jusqu’à prendre
Un vent d’épouse époustouflée.
On applaudit, on bisse et plus,
À perdre haleine ou, las, à rendre
L’âme, l’cœur désemmitouflé…

Et tout ça avant que n’expire
Le son des instruments à vent
Que le chef tout essoufflé,
Sentant bien arrivé le pire,
Avait mis, ce jour, en avant…
La musique, quel camouflet !

vendredi 24 février 2017

AUPRÈS DE MA PLUME (Carte de vœux, janvier 2017, collection particulière)

AUPRÈS DE MA PLUME
D’après Auprès de mon arbre (G. Brassens)

J’ai jeté mon encre
Dans l’eau des ruisseaux,
Mon amie, mon ancre,
Dans un soubresaut.
Elle était ma vie, ma voix,
Un peu caustique, un peu brute,
Pour vous dir’ n’importe quoi
Mêm’ « casse-toi », « merde » ou… « flûte » !
J’suis maint’nant un cancre
Qui a perdu ses mots ;
Un idiot, un chancre,
Pire qu’un marmot
Depuis je n’écris plus rien,
Pas un vers, plus une ligne,
Une phrase de bien
Ni même un p’tit signe !

Auprès de ma plume,
Je vivais heureux :
J'aurais jamais dû reposer ma plume…

Auprès de ma plume,
J’étais bien, au mieux.
J'aurais jamais dû la quitter pour mieux…

J’suis plus poète,
Je n’ai pas le choix ;
Je suis Lisboète
Et bouffeur d’anchois.
Tout ça parce qu’ça a marché,
Qu’je leur ai pondu un livre
Que l’on s’est arraché
Qui me permet d’bien vivre !
J’vis comme un riche
Sans compter mes ronds.
J’ai la tête en friche,
Je suis un baron, 
J’ai perdu mon style et ma foi,
J’ai plus de cœur ni de tripes,
J’ai même plus les foies,
Je suis un pauv’ type !

Auprès de ma plume,
Je vivais heureux.
J'aurais jamais dû reposer ma plume…

Auprès de ma plume,
J’étais comme aux cieux ;
J'aurais jamais dû la quitter, Tudieu…

J’ai viré ma femme,
Ça c’est élégant
En vendant mon âme
À un mec fringant
Qui m’édit’ depuis un’ année
Plus qu’il médite, c’est sûr,
Et qui m’a banané
Comme un porteur de tonsur’.
Privé de compagne,
Mais perclus d’amies,
Bourré au champagne,
Et plus au demi,
J’vais de cocktails en soirées
Pour montrer, me fendr’ la gueule
Et puis pour me la beurrer
Com’ tous les singles !

Auprès de ma plume,
Je vivais heureux,
J'aurais jamais dû reposer ma plume…

Auprès de ma plume,
J’étais insoucieux ;
J'aurais jamais dû la quitter des yeux…

J’attends qu’la Camarde
Vienne à tout moment
Me r’tirer la garde
De tous mes diamants.
La solitude est un puits
Où, dans l’illusion d’ la course,
Je noie mes jours et mes nuits,
De l’aval jusqu’à la source.
J’attends la Camarde,
Et je n’en peux mais.
J’veux pas qu’elle musarde
Jusqu’au mois de mai,
Pour qu’on m’encens’ comme un dieu,
Moi qu’est con comme la lune :
Tu finis mal quand tu d’viens vieux
Avec tout’ ma thune !

Auprès de ma plume,
J’étais laborieux,
J'aurais jamais dû reposer ma plume…

Auprès de ma plume,
Je vivais heureux,
J'aurais jamais dû la quitter, Pardieu !…

samedi 18 février 2017

RÉCITAL CHOPIN (Acrylique sur bois, 2002)

RÉCITAL  CHOPIN

Sonates guimauves ?
Les touches jouent, se nouent,…
Les doigts se font fauves
Et nous séduisent, nous,
Tombant juste et bien,
Invisibles liens
Dans l’air électrique
Qui vont adieu-va,
Strass et canevas…
Ainsi court le musique !

Sonates guimauves,
Sans pitié, ni tabou,
Les doigts saut’, se sauvent
Sur l’clavier, de bout en bout,
Tombent juste et bien,
Invincibles biens,
Trésors éclectiques
Que ces airs sans fin,
Jouant j’squ’à plus faim.
Et voilà qu’ils y repiquent…

Sonates guimauves,
Concertos à contre-temps,
Dans des halos mauves
Et des rais d’argent.
On joue du Chopin
Pour des bourgeois, des clampins,
Qu’ont payé d’avance
Le droit d’se montrer
Sans goûter aux traits
Et sons, tous  pleurs et souffrances.

Sonates guimauves ?
Les touches jouent, dénouent
Des doigts qui s’font fauves,
Cailloux, hiboux, genoux,…
Tombant juste et bien,
Habiles amphibiens.
Ils sont la musique
Qui réjouit le cœur
Et apaise les rancœurs,
Nous y rend amnésiques.

Sonates guimauves,
Nocturnes sans à-coups,…
Les doigts qu’étaient fauves
S’adoucissent d’un coup,
Tombent juste et bien,
Fissonn’ ô combien,
Et sur nos cœurs glissent,
Déglaçant la nuit.
Alors le temps s’enfuit,
Nos âmes en sont calices…

mercredi 8 février 2017

C'EST DU JAZZ ! (Carte de voeux, janvier 2017, collection personnelle)

C'EST  DU  JAZZ  !

Le silence, soudain noir,
Enrôle un tempo où trottent
Des pinceaux qui frôlent, frottent
Des peaux tendues dans le soir.
Puis la basse, grasse et classe,
En notes lasses prend place.
La rythmique se fait voir…

Ces deux-là sont potes,

Sans fric et sans dot,
Des fils de gargotes
Qui la jouent cool boat,
Détachant les notes.
Mais on a du jazz
En base qui gaze…
Oui, on a du jazz,
Sortant de sa case,
Sous nos becs de gaz.

Un piano jaillit du soir

Grelotte, égrenne ses sautes.
Ell’ flottent, flattent et fautent
Pour allumer l’air du soir.
La trompette, alerte, experte
Se joint, offerte, sans perte,
Au trio qu’on donne à voir…

Alors on sifflote,

Car ça devient hot
Et puis ça dépote,
Ni doigts, chère Loth,
Ni mains ne mégotent.
Là, on a du jazz
En phrases, en phases,
Oui, on a du jazz,
Nous sortant d’not’ vase,
Sous nos becs de gaz.

Embouchée par un grand Noir,

Nous jase une clarinette
Sans emphase, claire et nette ;
Elle brille dans le soir.
Quand le trombone se donne,
Coulisse à la bonne, et tonne…
Y’a à entendre et à voir !

Prolos ou népotes,

Deux-chevaux et yacht,
Ont la ‘zique en glotte :
 - “Bœuf”, “jam” ou bien “spot” -
La joie se sirote !
Car on a du jazz
Qui rase les nases,
Oui, on a du jazz,
Quel que soit son blaze,
Sous nos becs de gaz,
On a du jazz, jazz,…

jeudi 2 février 2017

JEU, SET & MATCH (Acrylique sur bois, 2002)

 JEU,  SET  &  MATCH

Ah, il le veut son tennis. Va, il l’aura !
Ce vieux beau qui nous joue les bravaches,
Il va voir ce que sont des vrais coups en vache,
Revers lifté, coup droit enrobé au ras
Du filet… Du grand art, c’est une cravache
Que ma raquette, ‘va devoir s’incliner
Le bon gros Tonton et plus la ramener.

Allez service. Ace. Tu as vu, le Babache
Comment le p’tit jeunot il te l’a mise, eh !
Ta grande forme, hélas, tu peux la remiser.
T’as aucune chance, vieille ganache !
Où elle est la ball’ ?!… Je vais l’atomiser
L’ancien champion qu’a la grosse tête.
En deux coups, je le renvoie chez lui, l’athlète !

La balle, enfin. Et, c’est à moi, le service !
Aïe, ça a craqué !… C’est quoi c’piège-là ?!
Je me suis juste baissé et voilà
Que mon dos est bloqué… Et l’autre écrevisse
S’fend la poire à ma grimace et mes houla !
Il est sans cœur, c’vieux con !… Je suis forfait,
Le voilà gagnant… et sans m’avoir défait !