lundi 28 février 2011

LE SAC ROUGE (Pastel à l'huile, 21x15 cm, 2005)


LE   SAC   ROUGE

Comme un chien sage et fidèle,
Il sait, mieux que nous, tout d’elle,
Ce ventru, cet empoté
Couché contre son côté
Et qui rougit comme un Sarde
Aux trésors secrets qu’il garde :
Un souvenir barboté,
Un flacon numéroté,
Un carnet rempli d’adresses
D’amies vraies et de traîtresses,
Du vernis et du rimel,
La photocopie d’un mail,
Des bonbons, un téléphone
Qui reste toujours aphone,
La recette d’un entremet,
Un foulard tout parfumé,
Des cartes postales vierges
Et un stylo qui émerge
D’un portefeuilles enfoui ;
Dans tout ce fatras inouï,
De l’eau, quelques cigarettes
Et puis, cachées, ses lunettes
Et ses dessous, soie et frou-frous,
L’agenda sans rendez-vous,
Côtoie un vieux chéquier vide,
Ses clefs, un bouquin d’Ovide,
Des photos, des mots fléchés
Et des notes en vain cherchées,
Une feuille de salaire,
Plus une crème solaire,
Et même une lacrymo’
Contre les mâles et leurs mots,
Un tube de rouge à lèvres
Et une patte de lièvre,…

C’est fou tout ce qu’il y a 
Dans le sac de la doña
Qui se dore la pilule
Sous le soleil qui la brûle :
Trente-deux cartes à jouer
À des patiences vouées,
Un miroir et de la poudre,
Un nécessaire à (re)coudre,
Une pince à épiler,
Des pansements pour ses plaies,
Des cachets bleus, blancs et roses
Pour la tête - ou autre chose !-
Des mouchoirs, un baladeur
Une brosse, des odeurs,
Des clefs, une lime à ongles,
Une lettre de son oncle,
Un jeton et quelques miettes
En plus d’une ou deux serviettes
Parce que vient la saison
De sa rouge lunaison ;
De la monnaie oubliée,
Et un rouleau de papier
Pour cas de force majeure
(On ne choisit pas son heure ! ) ;
Un bouton bleu égaré,
Un gros chouchou bigarré,
Des épingles mises en chaîne,
Une réduc’ des Aubaines,
Un dernier mot de son ex
Et un paquet de Durex,…
Comme un chien sage et fidèle,
Il connait vraiment tout d’elle,
Ce sac qu’elle a balloté
Et couché à son côté.

samedi 26 février 2011

PAYSAGE À L'EAU (Acrylique sur bois, 21x17 cm, 2006)

PAYSAGE   À   L’EAU
Cycle pyrénéen

  Sous le soleil mouillé des ciels lavés, l’eau éclatante des gaves tumultueux, au cours sinueux, inonde, éclaboussures de lumière, le somnolent silence d’un roulis de pierres empressées et empesées. Elle s’insinue et s’écoule même là où tout s’écroule, ces cascades de cailloux qui roulent - chaos bousculés et rocs basculés - aux graviers qui crissent et aux roches qui décrochent.
   Filet filant ou ru ruisselant, elle sourd des flancs bouleversés puis court et parcourt, apaisante mais bien présente, vallons scarifiés et cicatrices des vallées. 

jeudi 24 février 2011

VAGUES & LAMES (Pastel à l'huile, 24x31 cm, 29005)


VAGUES  &  LAMES 

Une vague affleure, floue, sous les souffles fous.
Alors la foule se jette à l’eau qui vagit,
Écume sa rage quand ces gens la bafouent
De cris d’allégresse car elle, elle rugit
Sa peine de mourir au milieu de ces fous
Que sa fin rend heureux… Triste dramaturgie !

mardi 22 février 2011

LA BRUME DU MATIN (Acrylique sur bois, 15x22 cm, 2000)

LA  BRUME  DU  MATIN
Cycle pyrénéen

Le froid transit les bras immobiles
De l’arbre amputé de ses atours,
Engourdit même les plus habiles
Des êtres qui font, là, un détour.
De la mort d’un jour sans contour
Jusqu’à l’agonie, toute impavide,
De la nuit,
Sans bruit,
Des draps s’accrochent au vide,
Des lambeaux de linceul pendent aux tours,
Engloutissent le décor, avides.
Envahie par les orties du temps,
La terre du val fume une brume
D’écume, fantôme déroutant
Qui se meut, jamais ne se consume,
Léger, dans son costume posthume.
Au cœur vaporeux d’un chemin creux.
Des fougères,
Étrangères,
Se noient dans ce voile langoureux,
Perdues dans un vieil amas de grumes
Auquel s’adosse le jour peureux.
La chair limpide de l’air livide
Estompe le proche et le lointain
Et le vent humide, las, n’évide
Pas les nues où le soleil s’éteint
Et déteint, s’accroche au ciel sans tain.
En duvet diaphane, en blanches plumes,
L’horizon,
En prison,
Dans les rets et les lacs de la brume
Qui a envahit ce frais matin,
Sait que les cieux essoufflés s’enrhument.
Seul, aux racines du jour, longtemps,
Le vent retient son souffle, immobile,
Dans le silence de pénitent
Qui enveloppe tout, indélébile,
De pâles volutes volubiles
Errant dans la combe et alentour.
Messagères
Passagères,
Les larmes de l’aurore, à leur tour,
Figent en colliers de perles labiles
La fraîcheur gommant le chant des tourds.

dimanche 20 février 2011

FANTAISIE SUR GREENSLEEVES (Acrylique sur bois, 22X15 cm, 2000)


FANTAISIE  SUR  GREENSLEEVES
Biche aux abois
Et chiens qui aboient,
La chasse du Roi
Entre dans les bois…
Tout n’est qu’effroi,
Cris et désarroi
Face aux palefrois,
Face à l’acier froid…
Du fond des bois
Les cors, les hautbois
Disent : « On guerroie
Là où ça giboie ! »
Biche aux abois
Et chiens qui aboient,
La chasse du Roi
Est dans les sous-bois…
Tout son convoi
Donne de la voix
En envois grivois
Tant il se pourvoie…
Le ciel flamboie,
On chante et l’on boit
Au pied d’une croix
En proie au sainbois.
Biche aux abois
Et chiens qui aboient,
Les hôtes du Roi
Retournent au bois…
On se fourvoie
En suivant des voies ;
Comme on l’prévoit,
On porte au pavois
Tous les passe-droits
À l’esprit étroit
Qui, ce jour, se croient 
Plus encore adroits…
Biche  aux abois
Et chiens qui aboient,
Le corps du Roi
Quitte enfin les bois…
Devant l’octroi
Les pavés poudroient,
Pleure le beffroi
Quand passe le charroi…
Pourquoi les rois
N’auraient pas le droit
D’avoir, de surcroît,
Un fils maladroit ?!

vendredi 18 février 2011

ADOLESCENCE (Pastel à l'huile, 31x24 cm, 2005)

ADOLESCENCE

À l’étroit dans ma vie, mon corps, 
Même si je joue l’indolence, 
L’envie de quitter ce décor,
Se fait en moi une exigence, 
- Pire que cela, une urgence -
Pour enchanter mes lendemains,
Et, au risque de turbulences,
Vivre  tous mes rêves en chemin.
Partir, même sans ton accord, 
Sans autre forme de violence
Pour conquérir des yeux accorts, 
Pour fuir nos mots et nos silences,
 Ta vigilanc’, tes indulgences.
M’en aller vite, dès demain,
Et puis, sans esprit de vengeance, 
Vivre tous mes rêves en chemin.
Vivre, malgré ton désaccord,
Et l’errance,  et l’exubérance :
Prendre ma vie à bras-le-corps ;
Jeter au feu, sans insolence,
Nos ressemblances et différences ;
M’enfuir des chaînes de tes mains
Avec un peu de nonchalance ;
Vivre tous mes rêves en chemin.
Maman, ne gâche pas ma chance :
N’est-il vraiment pas bien humain
Que de vouloir vivre  tous mes rêves en chemin ?

mercredi 16 février 2011

REGARD PERDU (Acrylique sur toile, 41x33 cm, 2006)


REGARD  PERDU

Dans la nuit de silence une torche s’avance
Dans un souffle sourd elle enflamme le bûcher
Quelques sourires s’allument de connivence
Alors que les yeux brillent on commence à hucher

Sur le déluge de cris que la fièvre exhume
Roule soudain le long tonnerre des tambours
Et la transe embrase les corps qui se consument
Autour du feu qui fait battre le cœur du bourg

Au clair dansant des flammes le village  fête
- Escarbille de joie dans un enfer de deuil -
Un mariage noces qui signent sa défaite
Lui laissent amer goût de cendre étincelle à l’œil

lundi 14 février 2011

DANS LE LABYRINTHE DE L'ABSINTHE (Acrylique sur toile, 41x33 cm, 2008)

DANS  LE  LABYRINTHE  DE  L’ABSINTHE

Je déambule dans la fantasmagorie
D’un dédale désert où, seul, mon pas résonne…
La fée verte et le djinn m’ont bien endolori
Le crâne… On me suit ?… Et mon esprit déraisonne :
Hallucinations d’écho… Illusions de cris…

Comme habitée par un esprit devin pourri,
Une poubelle m’agresse et puis me renverse.
Je repars et tombe sur une théorie
De becs de gaz, goules déguisées, rabougries,
Mânes d’âmes damnées gobeurs d’espoirs aigris,…

La géométrie des rues que mon pas pétrit
Cahote à Cochin sous le crachin qui crachote…
On me suit… Elfe boit-sans-soif ? Nymphe flétrie ?
Je les entends.… Là, oui… Dans le noir… Ils chuchotent…
Les êtres fabuleux ont la nuit pour patrie !

J’erre comme un proscrit fuyant leurs railleries…
Une avenue vide… C’est sûr, là : c’est un piège !…
Je me tourne et ne voie qu’impasses assombries
Et sons assourdis… On me suit !… Pire, on m’assiège !
Alors je cours… Je cours… Ah, je les ai surpris !

Les néons me postillonnent au nez… Malappris !
Les souffles essoufflés enfin se taisent… Un malaise ?
Soudain, ils hurlent et sirènent un chant incompris…
On me suit ?… À ce coin de rue, une falaise !
Cadeau d’une Circé, preuve de son mépris…

Des pneus meurtris crient, les flaques décolorient…
Sous le regard sans égard de ces réverbères,
On me suit !…  Oui, sans menterie, sans vanterie,…
Dans ce brouillard  fantastique qui se libère ;
Ce mangeur d’âmes, auteur de drames, déjà rit !

Et le jour s’exténue dans cette féerie.
On me suit… Dans la nuit de suie, on veut me nuire :
Farfadets fantasques ou bien sorcières aguerries,
Ondines au bois dormant ou sibylle à séduire,
Lutins, mages, gnomes,… Cette truanderie !

On me suit aux vitrines des pâtisseries…
On me suit aux éclaboussures des lumières…
On me suit, moi, qui suis seul aux intempéries…
On me suit, moi, qui n’ai même pas de chaumière,
Abandonné dans l’ivresse où je dépéris…