vendredi 30 septembre 2011

AU PIED DES MONTS (Acrylique sur bois, 12x20 cm, 2004)

AU  PIED  DES  MONTS
Cycle pyrénéen

Le ciel qu’incendiait le soleil,
Prend soudain un coup de sommeil
Sous le vieux tilleul de l’aïeule.
Le voilà visité de vents
Plus frais parfois, plus froid souvent ;
On dirait qu’il nous fait la gueule.

L’humble semis des cieux se strie,
Aux premières lueurs d’octobre,
De nues flétries, pétries de gris,
Et le beau temps nous la joue sobre
Sur les crêtes, dont se meurtrit
L’éventail, en jetant l’opprobre
Sur des humeurs soudain aigries.

L’horizon, oisive évasion
Hier est, aujourd’hui, conclusion
De jours moins longs que la nuit seule.
Le ciel bas, las, moule les monts
Et obscurcit jusqu’au piémont
D’où ont fuit les foins, balles, meules,…

L’automne atone refroidit
Les arbres dont les bras s’effeuillent,
Brunit les ballons rebondis
Où des tresses d’ombres se cueillent,
 Éteint les vallons reverdis
Où, quoi que l’on dise ou veuille,
Se cache le cèpe blondi.
Et les collines harassées
Comme les monts embarrassés
N’allaiteront plus les étoiles.
Les rideaux emprisonneront
Des fenêtres où un vent poltron
Va, à nouveau, gonfler sa voile.

Au loin, bien des rochers rugueux
S’estompent en franges, en fange.
Je sais plus d’un ruisseau fougueux,
Dont la voix est celle des anges,
S’abreuvant aux chaos fongueux,
Sanglotant sur ce temps qui change,
Cet hiver qui en fait des gueux.

Le ciel de verrier, sans soleil,
Qui nous fit un été vermeil
N’est plus. La pluie, désormais seule,
Va battre à mort les contrevents,
Pleurant comme fille au couvent,
Jusqu’au retour de l’astre veule.

mercredi 28 septembre 2011

FANTAISIE EN ROUGE (Acrylique sur bois, 100x100 cm, 1990)

FANTAISIE  EN  ROUGE

De courbes sang en volutes garance
Des bords pourpres jusques aux plis bordeaux
Aux revers vermillons la toile danse
S’embrase de carmin arcs et bandeaux

Un incendie cramoisi d’amarantes
Boucles bitumes de flots sépias
À l’écume rubis exubérante
Éclairent des voies à hue et à dia

En vagues de santal en ondes chaudes
Tout est mouvement et mignon minium
Ombres pointillistes bleues émeraude
En éclairs aux éclats d’aluminium

lundi 26 septembre 2011

SOUS LE RÈGNE DES DUÈGNES [Diptyque, Acrylique sur bois, 2x(10x33 cm), 2005]

SOUS  LE  RÈGNE  DES   DUÈGNES
Cycle pyrénéen

Dignes Espagnoles de Cerdagne alignées, processionnant, comme tours sarrazines, vous veillez sur l’horizon curviligne et nos terres bien tenues qui sont un pagne tenu à votre roche nue. Parfois vous daignez d’un air renfrogné, de toute votre hauteur, garder nos travaux et nos jours, assombrissant ces vaux que le soleil dédaigne souvent ; qu’il ignore parfois après avoir souligné chaos et pierriers. Point de cocagne ni de champagne, ici. Et que personne ne s’en plaigne !
Pèlerins de pierres aux gorges profondes, vous protégez, dans la violence du silence, hommes et bêtes qui fendent l’échine des guérets de maintes plaies sans plainte, piétinent les prés que l’abondance dédaigne et les vignes qui s’alignent en vos flancs. La vie est ici un bagne de besogne qui accompagne, sans vergogne, et surtout sans grogne ni rogne, la marche de jours insignes qui s’éloignent où guigne, beigne et châtaigne sont reines. Empreint de la fatalité qui imprègne la ligne de crête que le destin leur a assignée.
Pour vous, dans cette campagne de montagne, la flèche d’un clocher, partie à l’assaut des cieux, blesse l’azur dont vous peignez les nues et qui baigne les yeux. Tous, ici, empoignent la vie qui les égratigne à peine dans une pogne de fer ; ils ne se résignent jamais… Car tout, sous la ligne rectiligne et maligne de votre potentat, les choses les plus bénignes comme une pigne comme les rocs qui sont leur enseigne, s’y gagne, avec une trogne longiligne qui jamais ne se signe. Celle-ci se renfrogne pourtant quand, de vos cimes qui tant contraignent, ne vient pas le salut qui pourrait soigner les jours de suie et endormir les nuits sans ajour.

samedi 24 septembre 2011

L'HORIZON Pastel à l'huile, 21x15 cm, 2005)

L’HORIZON

Là-bas, en mer, où le ciel plonge ses racines,
Il naît une ligne, le lit de l’horizon :
L’air et l’eau, l’immense et l’infini, s’y fascinent
Et s’épousent jusqu’à nous donner leur diapason…

C’est là qu’ils enfantent l’espoir qui déracine :
Tropiques austraux qui orneront nos blasons
Et terres équinoxiales, inconnues, assassines,
Mais riches d’ors, d’épices et d’ivoire à foison.

C’est là qu’ils donnent vie à ces vents qui buccinent,
Aux lames qui naufragent et aux conjugaisons
Complexes et complices de leurs colères oursines.

Aussi l’homme fixe la ligne d’horizon,
Quand Phœbus calcine, quand l’averse vacccine,
Là-bas, en mer, où le ciel plonge ses racines…

jeudi 22 septembre 2011

ÉTÉ 1914 (Acrylique sur bois, 22x15 cm, 2000)

ÉTÉ  1914

C’était un temps sans peur
Qu’on croyait à demeure
Chineur d’humeurs sans pleurs
Jusqu’à ce qu’il se meure
En l’espace d’une heure
Jaseur joueur flatteur
C’était un temps de leurres
Noceur sans sœur trompeur
C’était un temps sans heures
Dupeur jouisseur sans heurt
C’était un temps qui fleure
L’honneur l’ardeur railleur
Un temps majeur meilleur
Qu’on croyait à demeure
Ressemblant au bonheur
Jusqu’à ce qu’il se meure

mardi 20 septembre 2011

TRADIZIONE VENEZIANA (Poupée en boîte, 32x39x7 cm, 2009)


TRADIZIONE  VENEZIANA

Dans la sérénissime Venise,
Le carnaval parade en la rue :
Les bourgeois sans vertu, accourus,
Fard sur le lard, font et organisent,
Sans la plèbe et ses bruyants minots,
Une fête en loups et dominos.
Tout en masques et en bergamasques
Sans risque d’abus ou bien de frasques
Milles costumes échevelés,
Avec colifichets jusqu’aux basques
Comme veut la coutume fantasque,
Papillonnent, tout étincelés.

Le long des noirs canaux de Venise,
Le carnaval a quitté la rue.
Le populaire est de la revue :
Trop vulgaire, lui qui tympanise,
Cotillons, sifflets de mirliton,
Chapeaux pointus, faces en carton,…
Pourquoi mettrait-il donc des paillettes 
Dans ses pâtes ou sur ses mouillettes ?
Les ponts, les places seront marries
De ce défilé de pique-assiettes
Laquais, marquis, arlequins, caillettes,…
Sans cavalcade ni charivari.

Pour le plaisir des palais, Venise
A mis son carnaval hors la rue.
Ni vu ni connu, c’était couru,
Il est passé mais ne s’éternise
Plus que sous les cristals des salons
Où il a conquis lustre et galons.
Les lumières des pistes de danse
Policent, solennisent ses transes,
Quand les parquets des salles de bal
Où breloques, pendeloques, ganses,
Tout en strass et en munificence,
Lui donnent un accent bien vénal…

dimanche 18 septembre 2011

MISE AU POINT (Dessin à l'encre, 16,5x10,5 cm, 2006)


MISE AU POINT

« Enlèbe-moi, Abour, ce serait robantique ! »
À la saillie du soir, dès abrès un gorgeon,
J’ai couru à ton huis. Caché sous le bortique,
Ton bère a lâché son chien et joué du jonc.

Rebenu en boitant, avec mon sens bratique,
J’ai grimbé le long du lierre tout en bourgeons.
Mais l’attache n’a pas résisté. Rachitique.
J’ai berdu une dent, au boins, dans le blongeon.

Je rebarais bourtant, avec une belle échelle.
Trop courte. Imbossible d’atteindre ta rochelle.
Elle glisse mais ba bain s’accroche au balcon.

En blus la bluie qui tombe et me trembe en riboste
D’un juron au Bon Dieu… Buis, c’est les flics, le boste !…
Et boilà cobbent on s’enrhube cobbe un con !

vendredi 16 septembre 2011

SAGE À LA PLAGE (Pastel à l'huile, 22x30 cm, 2006)

SAGE  À  LA  PLAGE

Qui donc dira à l’enfant pleine d’allant,
Assise sous le parasol maternel,
Ce que cachent ses jeux-là sans faux-semblant.
Elle vit à l’heure où le temps, éternel,
Fait rêver, cheveux défaits, que, solennels,
Les chevaux du vent au ciel vont s’attelant.

Elle bâtit et lisse, pleine d’espoir,
Un château que ruinera, mettra à bas
La prochaine marée annonçant le soir,
Sans remords ni regret, sans même un combat.
Elle est toute à ses joies, près du cabas :
Son tunnel noyé s’affaisse sans surseoir.

Elle a écrit, avec force application,
Bien des noms aimés et quelques mots amis
Qu’une l’écume lasse, sans faire attention,
Frôle, lave, estompe, tout ou à demi
Comme toutes ses empreintes endormies
Qu’efface en mourant la vague, sans passion.

Au milieu de nos chimères poursuivies,
Qui donc dira à la douce et frêle enfant
Que, mer qui frémit aux courants qui dévient
Et rafales raflant en ébouriffant,
Cette plage où elle s’amuse, tout enfant,
Est l’image de ce que sera sa vie ?

mercredi 14 septembre 2011

AVERSE DE LUMIÈRE (Pastel à l'huile, 24x32 cm, 2005)

 AVERSE  DE  LUMIÈRE

Sur la tente, il bruine des gouttes qui flamboient,
Lueurs qui chatoient par les bois,
Dans cette aurore où pleure et puis, doucement, pleut
Un feu d’étincelles, nimbe et aura que boit
La toile tendue, aux abois ;
Puis l’aube inonde d’or son bleu.

Cette ondée réchauffe le vieux chien qui aboie,
Ruisselle et rince tout le bois,
Tombe en trombes chaudes sur ses chemins sableux.
Cet éclat de clarté qui enlumine Arbois,
Éclair qui poudroie en sous-bois,
Est une ondée, une onde éclatante, parbleu !

 Et, partout, les couleurs s’irisent ou se nacrent
Dans un clair-obscur tiède et âcre.
Le soleil miroite, brille et nous irradie,
Papillons aveuglants que le ciel froid mendie.

Ce crachin rayonnant allume et, mieux, consacre
Un matin qui offre enfin sacre
Et pluie limpide à un été tout étourdi
De réverbérations jouant leur mélodie…

lundi 12 septembre 2011

SCRABBLE (Acrylique sur bois, 21x15 cm, 2004)


SCRABBLE


Je suis très en retard.
Je viens pour faire un scrabble
Avec de vrais potards
Qui daubent sur le râble
D’leurs gosses, des motards.

Il n’y a, dans ce club du « Troisième âge »,
- Pardon d’ « Ainés », de « Cheveux d’argent » ! -
Que des vieux qui toujours se ménagent
Mais se plaignent de ce temps tangent,
Des docteurs qui les disent « en forme »,
Des jeunes refusant l’uniforme,…

« Il se fait déjà tard !
Alors on le fait ce scrabble
Pépères fouettards,
Mémères admirables !…
Finis les racontars ! »

Depuis que je suis à la retraite,
Je ne vois que poils fanés, fauchés,
Traits tirés, marqués, rides distraites
Barrant les fronts, ventres briochés,…
La griffe des ans est bien cruelle
Pour ceux qui partagent ma ruelle !

Le temps file. Il est tard.
Je vais gagner ce scrabble
Ici, j’en suis la star
J’ai l’neurone durable,
Sans paraître vantard.

Au milieu de ces faces de fesses,
Aux crâne et caractère enneigés,
Je suis le moins ancien et confesse
Que leurs enfants n’ont le pied léger
Qu’aux coups de froid ou de canicule.
C’est fou comme, alors, tous, ils circulent !

C’est l’heure. Il est bien tard.
Je l’ai gagné ce scrabble.
« Bonne nuit les fêtards,
Les mamies mémorables,
J’vais m’fumer un pétard !

Pour gagner, Papi Monnaie, ‘faut lire !…
Allez, au revoir, Grand-Ma’ Magot !…
‘Faut que j’y aill’, Tonton Tirelire ! 
Mémé Galette, demain : Bingo !…»
Un jour, vos fils feront un passage :
Garder l’héritage à l’œil, c’est sage !

Je rentre sans retard.
Chez moi n’attend qu’un scrabble.
Jamais eu de moutard
Et c’est bien préférable
À c’que je vois. ‘L’est tard… !