mardi 4 octobre 2011

SPECTACLES DE RUE (Construction, 31x22x27 cm, 2007)


SPECTACLES  DE  RUE

  Tout près de la prison qui matonne le décor, sur un parvis apprivoisé, la ville sans horizon se donne en spectacles improvisés : qui y passe oublie l’adversité dont nos jours semblent le réceptacle pour un peu d’évasion, de complicité sans duplicité, d’instants d’authenticité…
  Un justaucorps aux couleurs de feu saute, bondit par jeu et voltige dans une nature de verre froidi et d’acier poli. Les arabesques de son corps et ses torsions plus incroyables encore, animent un squelette gris d’une vie qui va jusqu’au vertige. Ces dards, qui banderillent le bitume battu par nos pas, sont les vestiges d’une « œuvre d’art » que plus personne ne voit.
  Un petit rat échappé de l’Opéra, ignorant le ballet heurté mais réglé des voitures captives de feux, pirouette sur la scène d’une rue sans perspective. Elle offre, avec grâce ses entrechats et ses pointes aux devantures de magasins aveugles comme aux yeux des caméras vigilantes.
  Toute en jupes, une gitane rallume ici un temps la flamme du flamenco pour des murets de béton muets tout en arrêtes, pour la presse de passants chez qui ces échos n’éveillent plus rien. Non loin d’elle, une enfant, aux yeux de faon, marelle sur le noir du trottoir, marquant par ses sauts hors du temps le tempo trempé de la java des villes ; son solitaire pas de deux sert de remontoir à la valse lente et quotidienne des chalands tristes vêtus de noir. 
  Ailleurs, le vibrato d’un tango qu’un gypsy d’Issy bandonéonne. Une brunette sans-bas qui fait, samba sans joie, les cent-pas dès la brune, invite à la bossa un bosseur bossu. Elle étonne en fredonnant et swinguant, oubliant ses appâts et ses apprêts, un jazz manouche dont le refrain fait mouche.
Auprès de la prison qui bétonne notre décor, sans publicité ni raison s’offrent à notre cécité mille et uns spectacles tout en simplicité et en vivacité : qui sait les savourer sans y voir un inutile obstacle qui nuit à la marche de ses jours et de ses nuits, oublie un temps que la vie des villes n’est que vélocité et rapacité…

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